Stop au chômage, partageons le travail

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Avons-nous vraiment tout essayé pour mettre fin au chômage de masse, le premier problème des Français ?


Depuis 40 ans, les gouvernements successifs ont tout misé sur le retour de la « croissance » et sur l’amélioration de la « compétitivité » des entreprises.

Au lieu de reconnaître l’échec de cette approche, certain(e)s s’obstinent dans ces politiques et préfèrent souvent rejeter la faute sur les salarié(e)s, les chômeurs et les précaires. La démarche est encore plus violente quand elle pointe du doigt les étranger(e)s, les jeunes, les seniors, les mal-logé(e)s, les banlieusard(e)s, les handicapé(e)s, etc.

Non seulement ces idées reçues stigmatisent et banalisent les victimes de « la crise » [1], mais elles étouffent également les débats autour du foisonnement de solutions alternatives proposées par la société civile [2]. Pourquoi préfère-t-on nous parler « d’assistanat » plutôt que du million d’emplois que peut créer la transition écologique [3] ?

Pourquoi affirmer que le chômage est une exception française alors que notre taux d’emploi en équivalent temps plein se situe dans la moyenne européenne ? Aucun pays n’a réussi à faire baisser durablement son taux de chômage sans augmenter simultanément son taux de pauvreté, via une croissance massive du travail à temps partiel subi, principalement féminin. Quel est le sens d’un plein emploi qui précarise la société ? Nous ne voulons pas avoir à choisir entre chômage et précarité !

Pourquoi refuser de reconnaître que le partage du temps de travail est la politique de création d’emplois la plus efficace et la moins coûteuse des quarante dernières années ?


L’expérience des lois de Robien et Aubry a montré que la réduction du temps de travail est efficace pour créer des emplois. Cela a été confirmé par plusieurs études [4] et un rapport parlementaire [5]. Ces derniers démontrent également que les politiques de réduction du temps de travail permettent de réduire les inégalités salariales entre femmes et hommes. Plus largement, partager le travail est un levier pour une meilleure conciliation vie privée/vie professionnelle, pour lutter contre le burnout et pour encourager une démocratie plus participative par le réinvestissement du temps libéré dans l'activité citoyenne.

Néanmoins, les politiques menées depuis une quinzaine d’années cherchent au contraire à augmenter les durées du travail et accroître la flexibilité, sans compensation pour les salarié(e)s et sans effet positif sur l’emploi. Aujourd’hui, « la question n'est pas tant de se prononcer pour ou contre la réduction du temps de travail, mais plutôt d'identifier quelles sont les modalités d'une réduction la plus efficace possible » [6].

Suite à l’appel lancé en Mai 2016 par 167 personnalités et Alternatives économiques, nous demandons donc l’instauration d’un cadre légal prévoyant les moyens de financer des créations d’emplois à travers diverses modalités de partage du temps de travail pour les entreprises volontaires.

Utopique ? 3.000 entreprises avaient déjà volontairement expérimenté la « loi Robien » sur l’aménagement et la réduction conventionnels du temps de travail, proposée par la droite au pouvoir en 1996.

Il est urgent de reprendre cette dynamique et de l’associer à un vaste plan de formation/requalification.

Nous soutenons qu’il est nécessaire de prendre le temps de débattre publiquement des différents scénarios possibles. C’est sur la base de ce débat, que le cadre légal que nous demandons doit permettre de reprendre collectivement confiance dans le partage du temps de travail et d’initier à plus long terme un mouvement général.

Concrètement, quelles sont les modalités de partage du temps de travail que nous demandons d'expérimenter ?


Pour obtenir un effet maximal sur l’emploi, il faut viser une dynamique collective quelles qu’en soient les modalités (semaine de 4 jours, 32 heures ou autres).

Il est nécessaire d’examiner aussi les possibilités de partage du temps de travail personnalisées, volontaires, temporaires, adaptées aux rythmes des métiers et aux temps sociaux : les comptes épargne temps de vie, les congés parentaux mieux partagés entre hommes et femmes, les pré-retraites progressives, les systèmes de « job rotation », les chèques de temps choisi, etc.

C’est dans cet esprit inclusif que nous avons adressé au Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) [7], un courrier exprimant notre souhait que la troisième chambre de la République se saisisse de la question et propose des orientations, des propositions pour expérimenter le partage du temps de travail. Ces propositions seraient accompagnées d’un avis dépassionné sur la faisabilité et le coût des propositions avancées dans le cadre du débat. Ce travail facilitera la mise en place d’expérimentations répondant le mieux possible aux besoins de la société, des salarié(e)s et des entreprises.

Dans cette perspective, nous invitons donc le CESE à auditionner les organisations associatives, syndicales et patronales, et les experts qui portent ces propositions, ainsi que les entreprises ayant participé volontairement aux lois Robien et Aubry I. Nous invitons également le CESE à interroger les initiatives prises à l’étranger, telles que les expériences danoises de « job rotation », la journée de 6 heures à Göteborg ou la semaine de 4 jours en Belgique.

En résumé, voici le chemin que nous proposons pour mettre en échec le chômage de masse :
 

  1. Briser le tabou du partage du temps de travail : soyons 100 000 à signer cette pétition pour afficher notre désir de relancer le débat.
  2. Examiner les divers scénarios possibles : demandons aux forces sociales représentées au CESE de débattre, d’examiner les propositions concrètes de partage du temps de travail et de rechercher un consensus sur les modalités de partage du temps de travail favorables à l’emploi.
  3. Proposer un cadre légal d’expérimentation : formons un réseau français qui co-construira des projets d’expérimentation et échangeons sur le sujet avec nos partenaires européens.
  4. Créer une mobilisation citoyenne d’ampleur : poussons les entreprises, les collectivités et les administrations à mettre en œuvre des expérimentations de partage du temps de travail.
  5. Enclencher une nouvelle étape de réduction de la durée légale de travail : relançons le processus historique de réduction du temps de travail au cours de la prochaine décennie.

Aucun(e) candidat(e) aux élections ne pourra se prévaloir du soutien des signataires de cette pétition.


Premiers signataires

Sarah ABDELNOUR (Maîtresse de conférences en sociologie, Université Paris-Dauphine)
Benjamin BALL (Collectif pour une transition citoyenne)
Jacqueline BALSAN (Présidente du Mouvement National des Chômeurs et Précaires)
Claire BARRAUD (PRCE)
Julien BAYOU (Porte-parole d’EELV)
Patrice BONY (Animateur du Groupe Emploi du Pacte Civique)
Michel CERMAK (Porte-parole du Collectif Roosevelt .BE)
Thomas COUTROT (Économiste)
Caroline DE HAAS (Militante féministe)
Guy DÉMAREST (Économiste, chargé de cours à l'Université d'Orléans, agrégé de sciences économiques et sociales)
Didier DEMAZIERE (Sociologue, chercheur au CNRS)
Emmanuel DOCKÈS (Professeur de droit)
Marc DUFUMIER (Professeur émérite à l’AgroParisTech)
Pascal DURAND (eurodéputé écologiste)
Anne EYDOUX (Maîtresse de conférences en sciences économiques au centre d’études de l’emploi)
Vincent FANARA (Permanent des jeunes FGTB Liège-Huy-Waremme)
Jean GADREY (Économiste)
Corinne GAUDART (ergonome)
Marc GOBLET (Secrétaire général de la FGTB)
Régis GRANAROLO (Président du MUNCI, Syndicaliste UNSA, Entrepreneur IT/ESS)
Alain GRANDJEAN, (Économiste)
Anne HESSEL (Porte-parole de Nouvelle Donne)
Michel HUSSON (Économiste)
Arthur JATTEAU (Docteur en économie)
Wojtek KALINOWSKI (Co-Directeur de l'Institut Veblen)
Bruno LAMOUR (Président du Collectif Roosevelt)
Pierre LARROUTUROU (Candidat Nouvelle Donne à l'élection présidentielle)
Germain LEFEBVRE (Président du CA de la Coopérative Oxalis)
Arnaud LELACHE (Chef d'entreprise, Co-Président de Nouvelle Donne)
Charlotte MARCHANDISE (Candidate citoyenne à l'élection présidentielle)
Dominique MÉDA (sociologue, professeure des universités)
Michel MONTIGNÉ (Économiste du travail)
Eliott NOUAILLE (Co-président de Nouveau Souffle et ancien responsable du Syndicat Général des Lycéens)
Laurette ONKELINX (Cheffe du Groupe PS à la Chambre)
Eloïse PALOT (co-présidente de Nouveau Souffle et étudiante en prépa économie à Nîmes)
Benjamin PESTIEAU (Responsable Monde du Travail – PTB (Parti du Travail de Belgique))
Camille PEUGNY (Sociologue)
Claire PIGNOL (maître de conférences en économie, université Paris I)
François PLASSARD (agronome, a expérimenté le chèque temps choisi/job rotation)
Jean-Claude PONS (Maire de Luc sur Aude)
Claude PRIGENT (Dirigeant d'entreprise (PME))
Emmanuelle PUISSANT (Économiste)
Philippe QUIRION (économiste, directeur de recherche au CNRS)
Rinà RAJAONARY (Présidente de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne)
Barbara ROMAGNAN (députée PS du Doubs)
Gilles RAVEAUD (Maître de conférences)
Martin RIEUSSEC-FOURNIER (Co-fondateur et porte-parole du mouvement #LesJoursHeureux)
Maria ROUBTSOVA (Doctorante au CEPN, Paris-13, Sorbonne Paris Cité)
Jean-Daniel SENESI (Artiste)
Laura SLIMANI (Présidente des Jeunes Socialistes Européens, responsable égalité femmes-hommes de Benoît Hamon)
Margareta STEINRÜCKE (AG ArbeitFairTeilen, Attac-Allemagne)
Jean-Charles STEYGER (Secrétaire Général SNU-FSU POLE EMPLOI)
Bruno THÉRET (Économiste/directeur de recherche émérite au CNRS, IRISSO, Université Paris Dauphine, PSL)
Aurélie TROUVÉ (Porte-parole d'Attac France)
Patrick VIVERET (Philosophe)
Jean-Pierre WORMS (Responsable associatif)
Jean-François YON (Ancien Président du MNCP)
​Baki YOUSSOUFOU (Fondateur de We Sign It)


[1] FARACHE, Jacqueline « L'impact du chômage sur les personnes et leur entourage : mieux prévenir et accompagner », Avis du CESE adopté le 10/05/2016.
[2] COLLECTIF (25 organisations), Chômage, précarité : Halte aux idées reçues !, Éditions de l’Atelier, janvier 2017
[3] COLLECTIF (18 organisations), rapport « 1 million d’emplois pour le climat », janvier 2017
[4]  Les lois Aubry ont fait l’objet d’un ensemble de travaux d’évaluation particulièrement important, réalisés par la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) et l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Voir notamment : Insee, « La réduction du temps de travail », Economie et Statistique, no 376-377, juin 2005
[5]  ROMAGNAN Barbara, rapport n°2436, fait au nom de la commission d’enquête sur l’impact sociétal, social, économique et financier de la réduction progressive du temps de travail, 9 décembre 2014
[6]  IGAS, « Evaluation des politiques d’aménagement-réduction du temps de travail dans la lutte contre le chômage », mai 2016. La diffusion de ce rapport a été interdite par l’IGAS. Il a été néanmoins mis en ligne, sans ses annexes, par Le Monde et Médiapart. Les noms des auteurs ne sont pas mentionnés
[7] Le CESE en bref : http://www.lecese.fr/documents/DPCESE.pdf

Mobilisation créée par Collectif Roosevelt
7/3/2017

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