Lettre ouverte de membres de la communauté de la HETSL au collectif 43m2, à la direction de l'école et à la présidence de la fondation

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Cher collectif, Cher Alessandro Pelizzari, Chère Elisabeth Baume-Schneider,


À la suite des événements de cette semaine, soit l'occupation du collectif 43m2 et la lettre ouverte rédigée par une partie des étudiant·e·x·s de la haute école de travail social et de la santé de Lausanne (HETSL), il nous apparaît aujourd'hui important de proposer une analyse différente des enjeux de cette situation au sein de cette communauté étudiante.


Nous, étudiant·e·x·s, avons effectivement été interpellé·e·x·s par cette arrivée, par le contexte actuel du sans-abrisme et du mal-logement et sensibilisé·e·x·s à l’action sociale par les enseignements de cette école. Nous avons également été rendu·e·x·s attentifs et attentives aux enjeux de la professionnalisation du travail social, des cadres déontologiques, éthiques, légaux ainsi qu'aux finalités et aux modalités des actions. De plus, comme nos chères compétences du PEC nous le rappellent, il est aussi important de garder un regard critique, en particulier par rapport aux modalités de cette action et aux enjeux qui découlent de ces modalités. Ainsi, nous vous faisons part dans cette lettre de notre position critique face à cette action.


Tout d'abord, il apparaît évident de relever la pertinence de la problématique amenée par le collectif 43m2. C'est effectivement une problématique actuelle, importante et urgente, en témoigne notamment la mise en place d'un pôle de recherche traitant notamment de ce sujet à la HETSL. Notre école effectue des recherches dans de nombreux domaines, nous sommes donc sensibilisé·e·x·s à une grande variété de problématiques sociales. Chacune d'entre elles méritent qu'on y prête une attention particulière. Nous sommes donc conscient·e·x·s que de nombreuses causes ont un besoin urgent d'actions. Nous sommes justement formé·e·x·s afin de penser l'action sociale. Il est donc tout naturel et exemplaire que des étudiant·e·x·s s'engagent effectivement dans des actions visant à produire des avancées face à certaines problématiques.


Néanmoins, parmi les valeurs mises en avant par notre chère HETSL, on trouve notamment la communication et la collaboration. En effet, tel que décrit dans la lettre ouverte partagée en début de semaine, la HETSL semble être un espace ouvert à la discussion. Il apparaît donc regrettable que la communication et la collaboration n'aient pas été sollicitées plus tôt dans cette action. Il semblerait en effet que la HETSL n'ait pas eu l'occasion de se positionner, d'apporter tant son expertise que d'éventuelles pistes de solutions au collectif 43m2 mais a été mise dans le fait accompli par une action unilatérale. De plus, aucune co-construction n’a été mise en place entre les étudiant·e·x·s et ce collectif, alors même que nous sommes le futur du travail social et que si nous nous formons à penser et analyser l’action, ce n’est pas pour rien. De plus, le collectif 43m2 n’empiète pas uniquement sur le jardin. En effet, les épices mises à disposition par notre association se sont vues diminuées. Ensuite, il a été mentionné que de l’alcool laissé dans le frigo autogéré des étudiant·e·x·s a disparu. Nos toilettes du B0 sentent l’alcool. Sans oublier l’intendance, qui se retrouve avec une charge de travail supérieure. Comment peut-on défendre les droits de personnes en empiétant sur les droits d’autres personnes ? De notre point de vue, ce double discours ne permet pas de défendre cette action comme une action respectueuse du lieu, de ces utilisatrices et de ses utilisateurs.


Il apparaît important de rappeler la mission de la direction de la HETSL, telle que décrite sur le site de l'institution (https://www.hetsl.ch/organisation/direction/) : maintenir et promouvoir un environnement de travail et d'études propice. De par son nom, la HETSL est avant tout une haute école, c'est à dire une institution de formation et de recherche. Comme le collectif l'a indiqué dans son communiqué, il ne souhaite pas empiéter sur le lieu d'études et estime qu'il n'aura pas d'impact. Une affirmation qui tombe dans les mêmes oreilles qui auront entendu ces derniers semestres, dans certains cours, que "quand un élément bouge, tout bouge". On peut aisément illustrer qu'il y a un impact à cette action sur les étudiant·e·x·s par l'annulation du festival qui était prévu dans l'espace même que le collectif a décidé d'occuper. Ce festival était prévu pour les étudiant·e·x·s, par les étudiant·e·x·s, après une longue période de pandémie qui a porté préjudice à la vie estudiantine de la HETSL, en empêchant elle aussi ce type d'événements. C'est un impact surtout symbolique et facilement perceptible de l'occupation de ce collectif sur les habitudes de vie des étudiants de la HETSL.


De plus, en tant qu'étudiant·e·x·s en travail social notamment, nous ne pouvons pas ignorer l'aspect illégal de l'occupation du terrain de la HETSL. Nous ne devons pas oublier non plus la dimension politique de cette action, notamment par le fait que le collectif 43m2 signale qu'il y a une absence de modifications conséquentes du dispositif d'accueil par les autorités compétentes de la ville de Lausanne. La situation est donc complexe et, comme beaucoup l'ont probablement exprimé dans des conversations informelles au sein de l'école cette semaine, la HETSL se retrouve dans une impasse entre le cadre dont elle dépend, notamment dans sa mission de formation, et les valeurs du travail social avancées par le collectif et une partie des étudiant·e·x·s.


Pour nous, la situation actuelle représente également un risque car les révisions et examens commencent actuellement. Le fait d'avoir une action illégale et qui agit unilatéralement, à proximité du lieu de révision et de passation des examens est synonyme d'instabilité, dans une période déjà stressante. Les tensions naissant de cette occupation, et des nombreuses incertitudes qu'elle amène, viennent s'ajouter à ce stress. Le fait qu'à tout moment il peut y avoir un conflit, par exemple une intervention policière, une manifestation ou une nouvelle action invasive spontanée du collectif, a de quoi remettre en question le fait que la HETSL soit un espace propice au travail, aux études et tout particulièrement à la préparation et passation d'examens. Cela occupe également des ressources de l'école, tant physiques que sociales. En l'état, la présence du collectif sur le terrain de la HETSL ne permet plus à l'école d'être la seule garante de ce qui s'y passe, car elle n'a aucun contrôle sur le collectif et ce qui s'y passe. Cela signifie donc que la HETSL n'est plus en mesure de réellement garantir un espace de formation propice.


Finalement, derrière toute cette situation il y a également un enjeu d'image conséquent pour la HETSL comme pour les étudiant·e·x·s. Comme exprimé précédemment, la HETSL sensibilise les étudiant·e·x·s à de nombreuses problématiques. Si, aujourd'hui, elle permet à une action comme celle du collectif 43m2 de se dérouler au sein même de la HETSL, dans des modalités sur laquelle elle n'a pas eu de contrôle, cela créera un précédent qui pourrait encourager d'autres causes à suivre les pas de ce collectif. La HETSL en deviendrait instrumentalisée en tant qu'espace de revendications et de manifestations par des tiers, ce qui aurait inéluctablement un impact sur sa mission première de formation et de recherche. Il en va de même pour les étudiant·e·x·s qui y suivent leurs formations. La situation, notamment le soutien de certain·e·x·s étudiant·e·x·s tel qu'exprimé dans la lettre ouverte, qui semblent s'exprimer au nom de tous et toutes, peut laisser à penser que l'ensemble du corps estudiantin est en parfait accord avec ce qui se déroule, ce qui n’est pas le cas. Il convient de rappeler que le travail social est en évolution, il y a des enjeux importants à la professionnalisation de notre domaine. Le fait de soutenir une action qui, dans sa réalisation, est illégale peut en effet nuire à l'image du travail social comme profession, de la HETSL comme institution et des étudiant·e·x·s qui en sortent comme professionnel-le-x-s. Un certain nombre d'entre nous vont travailler dans des institutions accueillant notamment des personnes sensibles et des problématiques elles aussi graves, dans des cadres bien définis et réglementés. Il apparaît donc important, pour les étudiant·e·x·s qui sortiront de la HETSL, de ne pas être associé-e-x-s à des pratiques illégales, ce qui pourrait nuire à leur employabilité et crédibilité.


En tant qu'étudiant·e·x·s, nous pouvons en effet comprendre la situation, adhérer aux valeurs qui sont derrière, néanmoins il est de la liberté de chacun de cautionner ou non une action illégale. De ce fait, il apparaît important de ne plus formuler de communication sur une situation aussi complexe que cette occupation en utilisant des propos qui généralisent la position d'une partie des étudiant·e·x·s, qu'elle soit majoritaire ou minoritaire, comme étant représentative de l'ensemble de la communauté. Cela permettra d'éviter de s'approprier, sans consentement, les voix d'étudiant·e·x·s dans le but de donner plus d'ampleur aux messages et points de vue d'une seule partie.


En tant que personne, en tant qu’étudiant·e·x·s en travail social et, surtout, en tant que futur·e·x·s travailleuse·x·s sociales et travailleur·x·s sociaux, certain-e-x-s souhaitent :


-Que la HETSL se maintienne prioritairement dans son rôle de lieu de formations et de recherche et prenne des mesures afin de garantir un lieu favorable à la vie estudiantine, au travail et aux études.


- Que la HETSL collabore et apporte son expertise au collectif 43m2 dans la recherche de solutions durables face aux problèmes du sans-abrisme et du mal logement, par exemple en servant d'instance de médiation entre le collectif et les autorités responsables.


- Que la HETSL poursuive son rôle pionnier de production de connaissances scientifiques sur la situation du sans-abrisme et du mal-logement dans le canton de Vaud



DES membres de la communauté de la Haute école de travail social de Lausanne.


Mobilisation créée par Lettre ouverte d'étudiantexs HETSL
6/6/2022

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