A l’attention de : Elisabeth Borne, Gérald Darmanin et François Braun
Stalingrad, Porte de La Chapelle, Jardins d'Éole : ces lieux du nord-est de la capitale convoquent désormais chez beaucoup de Parisien-ne-s les mêmes images.
D’une part, des scènes de consommation de crack à ciel ouvert, en proximité directe avec les habitations, écoles ou aires de jeu pour enfants, où des hommes et des femmes¹ se retrouvent pour consommer ce dérivé de la cocaïne, qui apaise artificiellement les coups que la vie leur a donnés² autant qu’elle abîme leur santé.
D’autre part, des habitants excédés qui vivent dans la peur et qui ne trouvent plus le sommeil. Dans leurs témoignages, on retrouve le même sentiment amer : celui d’avoir été abandonné-e-s par les pouvoirs publics, d’être pris en tenaille entre la violence qui s'est installée dans leur quartier et le statu quo politique.
Cette situation, unique en Europe, est la triste preuve que les politiques mises en œuvre depuis plus de 50 ans, fondées sur la stricte pénalisation de la consommation, sont un échec retentissant.
Pourtant, tout cela n'est pas une fatalité puisqu'il est bel et bien possible de mieux agir contre le crack.
Pour ce faire, il est nécessaire de conjuguer :
Une prise en charge sociale et sanitaire des usagers grâce à l’ouverture de structures d'accueil, de repos, de consommation encadrée et de soin tout en renforçant les maraudes de jour et de nuit (notamment à visée psychiatrique) ;
Une offre d’hébergement et d’insertion économique et sociale pour sortir les consommateurs de la rue et leur proposer des perspectives d’avenir ;
Un renforcement de la présence policière pour démanteler les trafics et sécuriser les quartiers ainsi qu’une meilleure articulation de celle-ci avec les prises en charge médico-sociales.
Une fois combinées, ces mesures humanistes et pragmatiques sont les seules à produire des effets positifs à la fois à court et long terme.
Le plan crack, lancé en 2019, a certes marqué une première étape fondamentale dans la mise en œuvre de cette stratégie mais celui-ci ne peut toutefois suffire, tant par le manque de moyens humains (aussi bien pour mettre en sécurité les quartiers qu’assurer les prises en charge médico-sociales) que par la difficulté à monter des structures de réduction des risques (repos, usage encadré, prise en charge sociale, hébergement médicalisé et soins), afin de résorber de manière significative et durable la crise dont nous nous préoccupons.
Aujourd’hui, le temps est venu de passer à la vitesse supérieure. C'est pourquoi, sur le modèle des espaces qui ont ouvert à Strasbourg, Paris et dans des dizaines de grandes villes européennes, nous demandons l’ouverture de nouvelles structures adaptées aux modes de consommation par injection et inhalation, tout en veillant à bien répartir leur implantation sur les territoires touchés par la toxicomanie de rue, que ce soit à Paris ou en banlieue.
Qu'il s'agisse de réduire les troubles à la tranquillité publique ou d'insérer les usagers dans des parcours de soins, l'efficacité de ces espaces est aujourd’hui validée et reconnue par :
La communauté scientifique (voir les dernières études de l’OFDT³ et de l’INSERM⁴) ;
Les retours de terrain (riverains, personnel médical, accompagnateurs sociaux, policiers) ;
L’activité des nombreuses salles de consommation et de soin basées à l’étranger et en Europe⁵.
Un exemple est particulièrement parlant : dans les environs des salles de Strasbourg et Paris, le nombre de seringues retrouvées sur la voie publique a été divisé par trois.
Enfin, il est important de mentionner que ce dispositif fait désormais consensus dans l’opinion avec 80,2% des Français-e-s favorables aux salles de consommation et de soin, 75,9% favorables à l’ouverture de nouvelles structures et 55,1% favorables à l’ouverture d’une salle dans leur propre quartier⁶.
Dans ces conditions, l’inaction n’est plus justifiable : il y a urgence à rattraper le retard qu’a accusé notre pays ces dernières décennies par manque de discernement, parfois par déni de réalité, et ainsi de courage politique.
Il y a urgence à mieux agir pour l’intérêt collectif, à stopper les scènes ouvertes d’usage de crack dans les quartiers du nord-est parisien par une politique solidaire, sécurisante et de long terme.
² Les trajectoires de vie des usager-ère-s sont souvent marquées par de multiples traumatismes : environnements familiaux chaotiques, violences sexuelles, troubles psychiatriques, parcours migratoires extrêmes, etc. Par ailleurs, bien que ce ne soit pas un absolu, une importante majorité des consommateurs de crack sont en situation de grande précarité économique et sociale (plus des deux tiers sont sans domicile fixe ou sont hébergés dans une structure sociale) et de désaffiliation, c’est-à-dire qu’ils n’entretiennent pas de liens en dehors des “mondes de la drogue”.
⁵ Aujourd’hui, on dénombre plus de 80 salles de consommation et de soin en Europe dont certaines sont ouvertes depuis plus de 30 ans. Pour en savoir plus, vous pouvez consulter cette carte qui recense les structures existantes.
Alavoine, Benoît - Habitant de la rue d'Aubervilliers
Andreo, Christian - Directeur de l'association Adixio, administrateur de Gaia et de la Fédération Addiction
Angot, Laetitia - Chorégraphe à La Permanence Chorégraphique Porte de la Chapelle
Arnaud, Pierre-Yvain - Adjoint au Maire du 18ème chargé des solidarités et de l’hébergement d’urgence (Génération.s)
Authier, Nicolas - Médecin psychiatre, spécialisé en pharmacologie et addictologie
Avril, Elisabeth - Directrice générale de Gaia Paris
Balage El-Mariky, Léa - Adjointe au Maire du 18ème chargée de la vie associative, référente du Conseil de quartier Chapelle Nord (EELV)
Beaucamp, Aurélien - Président de Aides
Bell, Anne-Laure - Habitante du quartier Eole
Bertrand, Bernard - Expert en réduction des risques et des dommages, membres du réseau international des salles de consommation à moindre risque
Boucher, Julien - Directeur des Fermes d'Espoir, dont fait partie la ferme implantée au sein des Jardins d'Eole
Boudjema, Zouhir - Artiste et membre actif du collectif Curry Vavart du Shakirail dans le 18ème
Bourge, Jean-Raphaël - Président d’Action Barbès
Boux, Anne-Claire - Adjointe à la Maire de Paris en charge de la politique de la ville (EELV)
Bribard, Stéphane - Chef de service d’un service médico-social lié aux usagers de drogues (CAARUD), habitant du 19e
Césard, Nicolas - Habitant du quartier La Chapelle (18ème), père d'un enfant
Coeuru, Patrick - Riverain et usager des Jardins d'Eole
Colson , Renaud - Juriste, maître de conférences à l'université de Nantes
Couppa, Christine - Habitante du quartier Eole depuis 20 ans
Dubois, Candy - Habitante du quartier Eole
Dumont, Elina - Habitante du 19ème, militante contre le sans-abrisme
Favrel, Patrick - Référent Réduction des Risques chez SOS Hépatites
Filoche, Léa - Adjointe à la Maire de Paris en charge des solidarités, de la lutte contre les inégalités et contre l’exclusion (Génération.s)
Fredet, Estele - Habitante du 18ème
Granier, Jean-Maxence - Sémiologue, président d'ASUD
Hennion, Antoine - Sociologue, participant aux P’tits Dejs Solidaires de La Chapelle
Hubé, Nicolas - Membre du Collectif parents-riverains SCMR
Juhel-Mantica, Chloé - Habitante du quartier Eole, journaliste et mère de deux enfants
Karila, Laurent - Professeur de psychiatrie, porte-parole et co-président du comité scientifique de SOS Addictions
Keller, Daniel - Président de l'association Les Jardins d'Eole
Lannoy, Sylvie - Habitante du quartier Eole, usagère du parc Eole depuis 2007, mère de trois enfants
Latour, Nathalie - Déléguée Générale de la Fédération Addiction
Laurent, Catherine - Habitante du quartier Eole, deux petits-enfants
LDH Fédération de Paris
Le Trèfle d'Eole - Jardin partagé se situant à l'intérieur des Jardins d'Eole
Les P'tits Dej's Solidaires - Association d'aide aux personnes sans-abris
Lévy, Johanna - Membre du collectif Rues aux enfants, rues pour tous
Lowenstein, William - Président de SOS Addictions
Mantica, Michel - Habitant du quartier Eole, père de 2 enfants
Milne, Anna-Louise - Habitante du quartier Eole, mère de trois enfants
Néfau, Thomas - Président de l'association SAFE
Obono, Danièle - Députée dans la 17ᵉ circonscription de Paris (LFI)
Oppelia Charonne - Association d'aide aux personnes en situation d'addiction
Pasteur, Michèle - Directrice de l'Agence nouvelle des solidarités actives
Police Contre la Prohibition - Collectif de policiers et gendarmes pour une réforme des politiques publiques des drogues
Raifaud, Sylvain - Conseillère de Paris du 10ème (EELV)
Raymond, Richard - Habitant du quartier Eole, père de 3 enfants
Scherer, Sylvie - Adjointe à la Maire du 10ème, chargée des Affaires sociales, des Solidarités, et de la Lutte contre les inégalités et contre l'exclusion
Seguin, Jean-François - Habitant de la rue de l’Evangile (18ème), administrateur de l’association Les Jardins d’Éole
Souyris, Anne - Adjointe à la Maire de Paris en charge de la santé publique et des relations avec l’APHP, de la santé environnementale, de la lutte contre les pollutions et de la réduction des risques (EELV)
Stella, Alessandro - Historien, directeur de recherches au CNRS et enseignant à l’EHESS
Sud Intérieur - Syndicat regroupant des fonctionnaires du Ministère de l'Intérieur
Timsit, Alice - Conseillère de Paris du 19ème (EELV)
Vernhes, Béatrice - Habitante du 18ème
Mobilisation créée par Mieux Agir Contre Le Crack A Paris
Wesign.it ne vit que grâce aux dons et ne fait pas de commerce avec vos données. Pour maintenir ce service, soutenez-nous, les fonds serviront à payer le serveur, l'envoi de mails ainsi qu'un salaire à temps plein sur un an.