Pétition en soutien aux réfugiés de la Chapelle, 16 juin 2015
Plusieurs centaines de migrants provenant de différents pays d'Afrique (en majorité Erythréens et Soudanais), fuyant des situations intenables et ayant subi les violences d'un voyage extrêmement douloureux à travers la Lybie en guerre et la Méditerranée, s’étaient installés depuis le mois d'aout 2014, sous le métro aérien de la Chapelle. Ce campement précaire et insalubre a été évacué et détruit le 2 juin 2015 au nom de promesses d’hebergement non tenues, expliquant le retour rapide des migrant-e-s.
Le 8 juin devant la Halle Pajol (18ème arrondissement), a eu lieu une intervention de CRS particulièrement violente (matraquage, gazage) envers les réfugié-e-s, les militant-e-s et habitant-e-s du quartier, tous ayant pourtant résisté de façon pacifique à une rafle de migrant-e-s. Une quarantaine de migrant-e-s ont alors été envoyé-e-s en centre de rétention. Là, une Obligation à Quitter le Territoire Français (OQTF) leur a été notifiée par la préfecture -d'une manière absurde puisque les Érythréens et les Soudanais sont, par principe inexpulsables en raison des risques avérés encourus dans leurs pays d’origine. Certains, libérés par le tribunal administratif, ont été remis à la rue, étant désormais officiellement devenus des « clandestins » totalement dénués de tout et à la merci des contrôles policiers.
Le 11 juin, après que l’association du Bois Dormoy leur ait demandé de partir afin de ne pas assumer la responsabilité des pouvoirs publics, les migrant-e-s et leurs soutiens ont alors, faute de proposition satisfaisante de la part des autorités, jugé légitime d’occuper la caserne désaffectée de Château- Landon. Des négociations ont alors eu lieu, entre le représentant de la Maire de Paris, les élus du front de Gauche dont un traducteur, et les migrants désemparés, dans un climat de pression morale et de répression policière tout à fait dommageables à une négociation sereine. Le résultat a été de faire évacuer la caserne occupée par la foule, en échange d’une promesse de prise en charge à la fois sur le plan de l’hébergement et du soutien aux démarches de demande d’asile, pour 110 réfugié-e-s (c’est-à-dire excluant tous toutes celles et ceux qui, par crainte de nouvelles violences policières, ou pour d’autres raisons, n’étaient pas rentrés dans la caserne), et cela pour une « durée indéterminée».
Etant donné les conditions d’accueil déplorables dans le centre d’hébergement d’urgence de Nanterre (8 par chambres de 4, obligés de dormir à même le sol, sanitaires infects, nuisances diverses), où 80 sur 110 d’entre elles/eux ont été envoyé-e-s, de nombreux migrant-e-s se sont à nouveau considérés atteint-e-s dans leur dignité. Une fois de plus trahi-e-s par les autorités, elles/ils ont préféré revenir dormir dans la rue. Aujourd'hui, à Paris plusieurs camps à même le bitume (le jardin d'Eole, Austerlitz, Gare de l’Est...) abritent des centaines de réfugié-e-s abandonné-e-s par l’Etat. Grâce à leur unité et à l’aide de riverains et d’associations, ces femmes, hommes et enfants parviennent à mener une existence précaire mais solidaire.
Nous, citoyens français et résidents européens et étrangers, dénonçons cette situation de non droit entretenue de façon coupable par les autorités. C’est nous seuls, et non l'Etat dont on peut se demander légitimement s’il nous représente encore lorsqu’il viole les droits et bafoue la dignité humaine, qui avons pris la défense des principes de liberté, d'égalité et de fraternité. Nous condamnons avec la plus grande fermeté les violences policières qui ont accompagné chacune des interventions des forces de l'ordre et le processus de déshumanisation systématiquement orchestré à l’encontre de ces migrant-e-s. Etant depuis dix jours les témoins impuissant-e-s de l’acharnement et du mépris des autorités ainsi que de la détresse morale que cela engendre, nous appelons à des solutions durables et à une prise en charge immédiate de chacun-e de ces réfugié-e-s en vue de leur obtention du droit d'asile et de solutions de logement dignes et pérennes.
Nous affirmons notre engagement et notre solidarité sans failles auprès des migrant-e-s. Nous lutterons pour elles/eux mais aussi pour défendre notre société face à cette agression de la part des pouvoirs publics. Nous sommes déterminés à ce que les torts envers nos sœurs et nos frères migrant-e-s soient réparés et que le droit d’asile et la dignité humaine soient respectés dans notre pays.
Nous demandons :
1. La régularisation collective des migrant-e-s privé-e-s de titres de séjour, à la Chapelle, Austerlitz, Calais et ailleurs, ainsi que des conditions d’hébergement dignes ;
2. Un accès facilité et plus large aux titres de séjour afin de garantir aux migrant-e-s des conditions de vie et de travail dignes ;
3. La suppression du règlement de Dublin afin que les demandeur-se-s d’asile puissent choisir librement le pays dans lequel ils veulent s’installer ;
4. La liberté de circulation et d’installation à l’intérieur de l’espace Schengen et ailleurs afin que les migrant-e-s ne soient pas bloqués dans leurs trajets ;
5. La mise à disposition d’un lieu pour elles/eux, ce qui a été promis par la Mairie de Paris lors des "négociations" de la caserne. Ce lieu associatif, conçu sur le modèle des maisons des migrants de Calais, sera destiné à accueillir, héberger, aider dans leurs démarches et mettre en oeuvre la solidarité des riverains qui doit nécessairement compléter celle d’une aide institutionnelle défaillante. Il accueillera des permanences d’associations et devra impérativement être situé à Paris intra-muros, de préférence dans le quartier de la Chapelle où les migrant-e-s se regroupent traditionnellement. Nous sommes déterminé-e-s à poursuivre ce mouvement de solidarité en faisant vivre ce lieu dans le respect des migrant-e-s et pour elles/eux, et à ce qu’elles/ils ne soient pas relégué-e-s hors de la ville, hors de la cité, hors de nos vies.
6. Enfin, nous exigeons des excuses publiques de la part du ministre de l’intérieur, pour la violence inacceptable qui a été déployée par les forces de l’ordre contre les migrant-e-s et leurs soutiens pacifiques, notamment lors de la rafle de Pajol.