De nombreuses mesures destinées à accompagner les entreprises dans cette période de crise sanitaire ont été mises en place et nous les saluons. Pour les compléter efficacement, nous demandons à ce qu’une attention spécifique soit portée à l’entrepreneuriat des femmes. Car en ce temps de crise inédite, penser à préserver la mixité dans la création d’entreprise nous semble indispensable.
Les femmes entrepreneures[1] performent. Cependant, leurs entreprises se heurtent à des difficultés de financement et de capitalisation, par exemple lors des levées de fonds des start-ups tech, le montant total du ticket moyen levé par les femmes reste deux fois moins élevé que celui des hommes.[2]
Du fait de leur sous-capitalisation, les entrepreneures ont structurellement moins de capacités à résister à une guerre d'usure telle que celle que nous connaissons actuellement.
Il est donc urgent de mieux accompagner ces fragilités structurelles et de rétablir un équilibre.
Mais au-delà de la richesse économique et de la création d’emplois générées par les entrepreneures, qui profitent à tous (femmes et hommes), permettre la continuité d’activité de leurs entreprises, c’est aussi préserver et investir dans des secteurs d’activité indispensables à la société.
Les femmes créent plutôt des entreprises dans les domaines de la santé et des services.
Les entrepreneures sont majoritairement dans des champs de l'économie qui étaient jusqu’à présent sous valorisés mais qui représentent une forte valeur ajoutée pour le monde de demain : la Santé[3], le monde du Soin[4], l'Economie Sociale et Solidaire, les Services à la personne, l'Environnement, l’Education, la Culture, la Tech for good, ...
Leurs entreprises semblent le plus souvent avoir pour objectif de rendre le monde meilleur, plus solidaire, plus créatif, plus responsable. Elles entreprennent avec la tête et le cœur pour changer le monde.
En ce sens, les femmes construisent déjà le monde de demain, un déclin de la mixité serait un déclin de notre société, un renoncement au progrès.
Passion, solidarité, co-construction, authenticité, coopération, éthique, égalité des chances, elles proposent des valeurs pour une nouvelle forme d'économie. Un cadeau pour le futur.
Leur éducation, leur formation et leurs expériences sont différentes de celles des hommes. De ce fait, elles sont porteuses d'un autre regard sur le monde, regard qui est une source d'innovations. Un autre cadeau.
Elles ouvrent la voie à un nouveau modèle économique qui favorise un équilibre entre la recherche du profit, l'intérêt général et l'utilité publique, ainsi qu’à un nouveau modèle sociétal fondé sur la conciliation des temps de vie.
Les femmes doivent être des actrices majeures de la relance économique. La période post-pandémie va être l’opportunité de lancer de grands chantiers portés par l’Etat dans des domaines où elles excellent : santé, éducation, écologie, social.
Alors soutenons-les. Aujourd'hui.
Il y a urgence.
Que deviendrait le monde sans la contribution des femmes à l'économie ?
Rappelons que le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes est l’un des piliers de la construction européenne.
L’investissement de fonds publics pour soutenir l’entrepreneuriat des femmes a permis à la France de se hisser au 6ème rang mondial[5]. Que vont devenir tous ces efforts collectifs si les femmes, qui travaillent dans des domaines précurseurs, sont les premières victimes de la crise ? A quelle place la France va-t-elle se retrouver ?
Il est fondamental pour la société dans son ensemble de soutenir les femmes pour un renouveau économique, pour l'emploi, pour l'innovation, pour la qualité de vie des femmes et des hommes.
L'égalité femmes-hommes est le vecteur du nouveau monde auquel nous aspirons toutes et tous: plus solidaire, plus innovant, plus juste. Alors aidons les femmes entrepreneures. Maintenant.
Adoptons des mesures de soutien pour l’entrepreneuriat des femmes. Non pas pour leur donner un avantage concurrentiel mais pour rétablir un équilibre.
Nos propositions :
- Nous soutenons les propositions de la Fédération France Angels et de France Digitale suggérant l’amélioration du dispositif de l’IR PME, en le portant de 18% à 30%, dans un plafond de déduction de 100 000 euros par part fiscale. En effet, le plafond des "niches fiscales" de 10 000 euros pénalise plus particulièrement les femmes qui l’utilisent en priorité pour leurs aides à domicile et gardes d’enfants. »(*)
Nous suggérons cependant d’aller au-delà de cette proposition et augmenter encore davantage ce taux pour les entreprises portées par des femmes. En effet, les montants des fonds levés par les créatrices d'entreprise sont en moyenne 2,5 fois moins élevés que les montants levés par les créateurs (**). Il est aujourd’hui indispensable de les soutenir en apportant des liquidités par le biais d’une augmentation de capital / fonds d'investissement. Pour faciliter leur re-capitalisation rapide, nous proposons une mesure provisoire, qui pourra être pérennisée après étude d’impact :
Nous faisons l'hypothèse que porter à 36%, au lieu des 18% actuels, la réduction d'impôt pour les investisseurs en capital dans des entreprises dirigées par une ou des femmes, permettrait de doubler le montant des fonds levés.
- Pour garantir l’équité, nous demandons l’intégration de la dimension de l’égalité entre les femmes et les hommes dans toutes les politiques et mesures qui sont et seront prises pour faire face à la crise.
(*) Livre blanc de Femmes Business Angels « Actionnariat, leviers de la réussite économique des femmes »- Mars 2020. (**) https://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/les-creatrices-d-entreprises-levent-2-5-fois-moins-de-fonds-que-les-createurs_2096612.html
Inspirées par la situation spécifique des entrepreneures et par leur plus grande précarité, nous proposons deux mesures qui bénéficieraient tant aux hommes qu’aux femmes :
- Garantir une assurance chômage aux chef.fe.s d’entreprises.
- Imposer la réduction des délais de paiement à maximum 30 jours pour les TPE/PME pour les achats des grands groupes et des organismes publics ainsi que la généralisation d’un acompte de 40% à la commande.
Soutenons les entrepreneures aujourd’hui pour ne pas reculer demain.
Nous soumettrons nos propositions aux Ministères concernés.
Rédactrices de l’appel :
Claire Saddy – Les Premières Auvergne Rhône-Alpes
Isabella Lenarduzzi - JUMP, Solutions for Equality at Work
Cristina Lunghi - Arborus
Chantal Corbet – Business angel
Aurélie Ponzio – Réseau Mampreneures France
Toutes membres du collectif Elle&Co
- Signataires :
Marie-Jo Zimmermann – Députée honoraire, ancienne Présidente de la Délégation aux Droits des Femmes de l’Assemblée Nationale (2002-2012).
Séverine Le Loarne – Chaire FERE (Femmes Et Renouveau Economique) - Grenoble Ecole de Management.
Guy Mamou-Mani – Co Président Groupe OPEN
Emmanuel Carli – Directeur Général d’Epitech
Claudine Schmuck- Autrice de Gender Scan
Frédérique Clavel – Fondatrice Les Pionnières.
Aziz Senni, Co-Président de la commission nationale «Nouvelles Responsabilités Entrepreneuriales » - MEDEF
Sharon Sofer - Présidente de Startup For Kids
Alexandra Morge Rochette – Fabulabox
Anaïs Jeantet – Ma Ville Verte
Alexia Desporte Richard – Popotte Duck
Manuela Ducloux - Polochon&cie
- Associations :
Le Laboratoire de l’Egalité
JUMP, Solutions for equality at work
Les Premières Auvergne Rhône-Alpes
Réseau Mampreneures France
Nicolas Antonini – En mode Up
Chiara Condi – Led by Her
Christelle Champion – Les Audacieuses.
Centrale Supélec Alumni au féminin
Véronique Forge – Business O Féminin
Françoise Derolez & Marie-Laetitia Gourdin - Presidentes PWN Paris
Laurence Berthoud-Lagarge - Les Entrepren’heureuses.
EM Lyon au Féminin
Delphine Guyard Meyer - BPW Lyon
Nadine Castellani – PWN Lyon
Nathalie Brun - Sciences Po au féminin Alumni Lyon
Isabelle Boivin - Business Woman
Christelle Champion – Les Audacieuses.
Jessica Mas - Univers’elles
Quelques repères :
Femmes et création d’entreprise en France : les chiffres clés.
900 000 femmes sont dirigeantes d’entreprise (travailleuses salariées ou non salariées)
40% des entreprises individuelles sont créées par des femmes
40% des micro-entrepreneurs sont des femmes
37% des entrepreneurs individuels (hors micro-entreprise) sont des femmes
25% des gérants de SARL sont des femmes
17% des dirigeants salariés de sociétés (hors SARL) sont des femmes
27% des Françaises sont ou bien ont été dans une démarche entrepreneuriale
Source : chiffres INSEE 2015.
Le taux de rejet de crédit demandé par des créatrices d’entreprises est de 4,3%, quand il est de 2,3% pour les hommes, soit quasiment la moitié.
Source : https://www.chefdentreprise.com/Thematique/creation-d-entreprise-1024/Breves/Les-vraies-fausses-verites-entrepreneuriat-feminin-234183.htm
Elles sont 44% à estimer que les échecs de création d’entreprise s’expliquent par le manque de financement.
Source : https://www.axa.fr/qui-sommes-nous/entrepreneuriat-feminin-chiffres.html
[1] Dans notre texte, une entrepreneure ou dirigeante est une femme qui a fondé ou acheté une entreprise, qui assume les risques et responsabilités financières, administratives et sociales et qui participe quotidiennement à sa gestion courante.
[2] https://assets.kpmg/content/dam/kpmg/fr/pdf/2017/02/fr-barometre-levees-de-fonds-des-startup-tech-dirigees-par-des-femmes.pdf
[3] ttps://www.infogreffe.fr/informations-et-dossiers-entreprises/actualites/les-femmes-et-l-entrepreneuriat.html
[4] Selon EIT health – consortium europeen -, 70% des étudiants dans le monde médical dans L’union européenne sont des femmes mais elles ne sont pas pour autant majoritaires pour la création d’entreprise et surtout dans l’obtention de postes à responsabilités.
[5] Ruta Aidis (2017), « Where is the best place for women entrepreneurship”, Studies conducted and sponsored by The Dell Company.