Tester, Rouvrir, Relancer : nous voulons maintenant une stratégie durable pour la culture

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En France, musées, FRAC, centres d’art, lieux d’exposition, salles de spectacles et cinémas, sont aujourd’hui équitablement fermés.

De nombreuses voix se sont récemment élevées à l’unisson pour dénoncer une fermeture qui «porte une atteinte grave aux libertés fondamentales», comme le considérait le Conseil d’État en décembre dernier : nous voulons ici trouver des solutions traduisant les principes de ces pétitions en actions concrètement utiles à tous, en regardant plus loin que la seule réouverture.

Ces fermetures ne s’appuient à ce jour que sur des conjectures, aucune étude de terrain n’ayant vérifié dans quelles conditions l’art était dangereux.

Des expérimentations tenues à Barcelone et Leipzig, selon des protocoles différents, ont visé à déterminer selon quels paramètres des lieux de concerts pourraient éviter tout risque de contamination pour les spectateurs et spectatrices. En mars, le Dôme de Marseille pourrait être la prochaine salle européenne à être ainsi testée.

S’appuyant sur des équipes scientifiques internationalement reconnues (à Marseille, ce sera l’Inserm), et soutenues localement par les élu•e•s, ces recherches étaieront les protocoles sanitaires permettant une reprise culturelle tant attendue.

Le monde de l’art s’en réjouit sans doute au moins autant que les publics, tant la période est marquée par l’isolement et la détresse dus à une coupure brutale de notre sensibilité et des joies du vivre ensemble.
Chaque jour qui passe effrite un peu plus le rôle que l’art joue auprès des scolaires ou des publics du champ social.

Le lien social, déjà gravement entamé par des crises à répétition, s’affaiblit encore de fermetures décidées hâtivement.

Dans le registre des inégalités, il n’y a d’ailleurs pas d’exception culturelle : 87% des artistes auteur•e•s n’étaient par exemple pas éligibles aux fonds d’urgence du CNAP en 2020 selon l’ADAGP, alors qu’aucun dispositif d’assurance-chômage ne s’applique à leurs cas spécifiques et que la majeure partie de leurs sources de revenus sont gelées ; quant aux intermittent•e•s, l’éventualité toute hypothétique d’une «année blanche» empêche l’accès des nouveaux artistes au régime, ne permet aucune sécurisation des revenus et promet des lendemains grisâtres.
Il faudra réévaluer l’environnement juridique et social mais aussi les conditions matérielles de secteurs profondément traversés par la précarisation des statuts et des carrières : avec les ministères concernés, nous souhaitons repenser les conditions de vies des travailleurs de la culture, qui sont les moins bien protégés socialement.

Pour les 70% de la population fréquentant annuellement cinémas, salles de danse et théâtres, concerts et expositions, comme pour les centaines de milliers d’artistes, de médiateurs, de régisseurs, etc., qui y travaillent, une deuxième année noire serait synonyme de rupture irrémédiable avec ces moments qui fondent notre vie collective et intime.
Le stop and go et le statu quo minent notre âme et l’ensemble des professions de la culture.

C’est pourquoi, en responsabilité, nous demandons aujourd’hui que soient multipliés les tests visant à identifier à quels risques s’exposeraient artistes et publics en rouvrant les lieux de culture.

L’art et la science, intimement liés, peuvent converger pour l’intérêt général et le bien public en pleine pandémie de Covid-19. Le secteur bancaire a bénéficié de tests de résistance (stress tests) suite à la crise des subprimes en 2008 : pourquoi l’art ne pourrait-il pas bénéficier des mêmes égards que la finance?

En attendant d’avoir ces résultats et de pouvoir recevoir les publics, nous demandons également qu’une relance culturelle ambitieuse soit mise en œuvre, que de vraies concertations soient tenues en présence de nos ministres, et que les premières phases du soutien français à la culture fassent place à un plan cohérent, large et mieux doté, à l’image d’autres pays européens.

Pendant que l’État tergiverse et n’avance qu’obstacle après obstacle ou semaine après semaine, les territoires prennent aujourd’hui toute leur part dans un soutien désormais vital à un secteur essentiel.
La collaboration entre la région Nouvelle Aquitaine et l’ITEMM autour d’une étude préalable à la réouverture des salles de spectacle (modèle Opéra), la triennalisation des conventionnements annoncée en Région Sud pour donner de la perspective aux acteurs culturels (pour l’instant réservée aux seuls arts de la scène), la prise de position de France Urbaine proposant la territorialisation des protocoles sanitaires pour tous les lieux, sont autant d’initiatives volontaires émanant des territoires.

Partout, nous sommes prêt•e•s à vivre avec le virus, mais pas sans culture : qu’attendons-nous pour tester, rouvrir et relancer les possibles?


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Premier-e-s signataires :
Réseau PAC/Provence Art Contemporain (initiateur ; 62 structures*, www.p-a-c.fr)
Réseau RN13Bis, art contemporain en Normandie (23 structures*, www.rn13bis.fr)
Réseau Botox(s), art contemporain Alpes & Riviera (30 structures*, www.botoxs.fr)
FRAAP - Fédération des Réseaux et Associations d’Artistes Plasticiens (143 membres)
AICA - France, section française de l’association internationale des critiques d’art (550 membres)
c|e|a - Association Française des commissaires d’exposition (135 membres)
Mécènes du Sud, Marseille & Montpellier
Altair think tank culture médias
49 Nord 9 Est, FRAC Lorraine, Metz
Marie Griffay, directrice, FRAC Champagne-Ardenne, Reims
Matthieu Lelièvre, conseiller artistique, Musée d’art contemporain/MAC, Lyon
Vincent Honoré, directeur des expositions, MOCO, Montpellier
Isabelle Reiher, directrice, CCC-OD, Tours
Eric Degoutte, directeur, centre d’art Les Tanneries, Amilly
Béatrice Didier, codirectrice, centre d’art Le Point du Jour, Cherbourg
Magali Gentet, directrice, centre d’art Le Parvis, Ibos
Lydie Marchi, directrice, Centres d’art de Provence Verte, Var
Jérémy Chabaud, directeur, Jeune Création, Romainville
Fabienne Fulcheri, directrice, EAC, centre d’art, Mouans-Sartoux
Benoît Lamy de La Chapelle, directeur, centre d’art La Synagogue, Delme
Loïc Le Gall,  directeur, centre d’art Passerelle, Brest
Maud Le Pladec, directrice, Centre Chorégraphique National d’Orléans
Alban Richard, chorégraphe, directeur du Centre Chorégraphique National de Caen en Normandie
Macha Makeieff, directrice, La Criée - théâtre national de Marseille

* parmi les structures des réseaux : MUCEM, MAMAC-Nice, Musée des Beaux-Arts de Caen, FRAC PACA, FRAC Normandie - Rouen, FRAC Normandie - Caen, centres d’art (CIRVA , 3bisF, Triangle, Villa Arson, Le Portique, EAC/Espace de l’Art Concret, CAIRN, Les Capucins, Le Point du Jour), 4 écoles d’art, de nombreux lieux associatifs et galeries inscrites dans le marché de l’art.



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visuel : Laurent Lacotte, Invite, 2018

Mobilisation créée par Tester Rouvrir Relancer
3/3/2021

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